Emmanuel Macron avait lancé l’offensive contre les « fake news » lors de ses vœux à la presse le 4 janvier dernier. La bataille avance. Un texte posant le cadre d’une loi contre la diffusion d’informations visant à déstabiliser le gouvernement a été révélé par la ministre de la culture Françoise Nyssen mardi 13 février lors de la conférence annuelle des éditeurs de presse. Ce nouveau texte vient compléter la loi de 1881 sur la liberté de la presse pour étendre le champ d’application aux plateformes comme Facebook ou Google qui diffusent l’information, vraie ou fausse, mais aussi aux sites producteurs de « fake news ».
Pour Stanislas Motte, PDG de Storyzy, une plateforme qui détecte les fausses informations, la proposition de la ministre de la Culture ne prend pas le problème à la racine. D’autant que, l’État en participant au système de publicité programmatique contribue, lui aussi, à financer les sites de « fake news », un comble. Explications.
L’État français finance-t-il les fake news ?
STANISLAS MOTTE : C’est probablement involontaire à cause de l’opacité de la diffusion de la publicité sur les sites. Mais oui, et c’est un gros problème. D’un côté Emmanuel Macron veut combattre les « fake news », de l’autre l’État finance les sites qui la produisent.
Comment vous en êtes-vous rendu compte ?
S. M. : Notre métier est de détecter les « fake news ». Tous les jours, nous « crawlons » (indexer des pages sur le net, NDLR) le web à la recherche de sites qui produisent de la fausse information. En neuf mois, notre base s’étend à 3 400 sites en langue anglaise et française. 10% des annonceurs ne savent pas où ils mettent leur pub. Le gouvernement français, à titre d’exemple, a arrosé au moins 31 sites de « fake news » au mois de décembre (comme sur la photo, NDLR).
Comment est-ce possible ?
S. M. : Le problème vient de la publicité programmatique. Un annonceur achète de la publicité aux enchères sans savoir où va être diffusé l’encart. Le ciblage peut être extrêmement précis. En revanche, le contexte dans lequel la publicité va s’afficher, beaucoup moins.
Le texte proposé par Françoise Nyssen est-il efficace dans la lutte contre les « fake news » ?
S. M. : Le problème de ce texte est qu’il est incomplet. Ce qui manque, c’est de couper le financement de la production de la fausse information par la publicité, publicité en partie financée par l’État français. La ministre de la Culture met le focus sur la promotion de l’information : si un contenu est sponsorisé et par qui. Mais avant de faire la promotion d’un contenu, on le produit. C’est là qu’est le problème.
Que faudrait-il faire pour éradiquer le problème ?
S. M. : L’objectif n’est pas de fermer les sites, ce qui serait de la censure, mais d’agir pour que les sites pourvoyeurs de fausses informations soient fragilisés. Si on agit sur la publicité, en éduquant les annonceurs et en leur disant « s’il vous plaît, n’allez pas mettre vos publicités sur ce site », c’est un premier pas. Il y a un gros travail d’éducation à faire et c’est le rôle de Françoise Nyssen. Il a fallu faire le job pour les sites de téléchargements illégaux. Il faut maintenant éduquer le marché au financement des sites par la publicité. Ce qui serait mieux c’est d’établir une charte éthique entre les annonceurs, les régies et les autres acteurs, qui dirait « on ne finance pas les sites de fausses infos ».
Source : l’ADN