Peu connu de nos jours bien que répandu dans l’empire romain en son temps, le culte de Mithra était un culte à mystère : seuls les initiés pouvaient le pratiquer. Le sacrifice du taureau et la régénérescence par son sang constituaient le point d’orgue de cette initiation.
Le culte de Mithra est un culte original qui a eu un succès extraordinaire au Moyen-Orient dans l’antiquité puis, même après Jésus Christ, dans tout l’empire romain jusqu’au 4ème siècle. Son origine remonterait à plusieurs siècles avant notre ère.
Un mystère
Le mithraïsme n’est pas une religion comme les autres : il s’agit d’un culte à mystère. Elle n’est pas ouverte au public, il faut être initié pour pouvoir y participer. On parlerait aujourd’hui d’un ordre initiatique ou d’une société secrète. A l’époque, c’était chose courante (comme le culte de Samothrace en Grèce ou celui d’Isis chez les Égyptiens).
Ces sociétés s’adressaient surtout aux élites culturelles et intellectuelles car il fallait avoir du temps pour s’intéresser à l’ésotérisme, se former et progresser dans la hiérarchie.
Le principe des cultes à mystère est qu’ils sont pratiqués par des initiés qui progressent et gravissent les échelons (les grades) en subissant des épreuves ou des rituels de passage. L’exemple que nous connaissons tous encore aujourd’hui est la franc-maçonnerie.
Le bien et le mal
Le culte de Mithra est classé dans les doctrines dualistes où les forces du bien et du mal sont de force équivalente (contrairement aux religions monothéistes où l’on trouve un dieu important et un démon un peu perturbateur, ou aux religions polythéistes où il n’y a pas de référence au bien ni au mal).
Le principe de l’initiation, le passage des degrés jusqu’à devenir maître indiquent le côté dualiste de ce culte et l’importance accordée aux forces du bien et du mal. Ici, le mal a une consistance telle qu’il faut toujours être sur le pied de guerre pour le combattre.
Ce culte aurait été propagé par des peuples indo-aryens venant du Nord de l’Europe et descendus vers le Sud, probablement à cause d’un refroidissement climatique. Ils auraient atteint la Grèce, la Perse et l’Inde, sachant qu’à l’époque, la Perse Antique était constituée de la Syrie, l’Anatolie, le Kazakhstan, l’Afghanistan et l’Iran.
Quelques éléments de la vie de ce dieu lié au soleil
Selon la légende, le dieu Mithra serait né d’un rocher, accueilli à sa sortie par 4 personnages figurant le soleil levant, le soleil couchant, le ciel et l’océan. Les forces primordiales étaient réunies dès sa naissance.
Mithra est célèbre grâce au culte du taureau. Ces animaux ont été sacrifiés par milliers durant les cérémonies.
L’histoire raconte qu’un grand et très beau taureau paissait dans la prairie. Le dieu Soleil ordonna à Mithra de sacrifier la bête. Pour cela, il fallait d’abord la maîtriser en l’attrapant par les cornes et la forcer à se coucher, ce qui n’était pas facile, à part pour un Hercule ou quelques autres légendes de l’Antiquité.
Mithra rusa : il réussit à monter sur le dos du taureau et à le saisir par les cornes. La bête fila à toute vitesse mais finit par s’épuiser. Quand elle se coucha, Mithra l’empoigna et la chargea sur ses épaules pour l’emmener dans une grotte et la sacrifier.
Durant sa vie, Mithra a œuvré pour guider ses adeptes. Il est considéré comme un dieu médiateur entre le ciel/soleil et les humains, la divinité suprême n’étant pas facilement contactable (tout comme Jésus Christ par rapport à Dieu le Père).
Selon la légende, Mithra est né un 25 décembre, moment du solstice où le soleil commence à remonter dans le ciel. Ce dieu symbolise le soleil levant et le printemps.
A la fin de sa vie, Mithra s’en va au ciel sur le char du soleil.
Initiateur, médiateur et sauveur
C’est un dieu initiateur car il va initier ses adeptes (l’élite uniquement, pas la population entière), médiateur et sauveur (l’histoire dit qu’à la fin des temps, il reviendra sauver les initiés).
Les symboles
Plusieurs éléments symboliques se dégagent de la légende de ce dieu :
- la pierre, le rocher correspondent à la grotte, l’antre, la crypte (comme la crèche pour Jésus)
- le taureau symbolise la puissance, la nature et donc la force de vie
- sacrifier le taureau, c’est répandre la force de vie, le sang vivifie la terre
- quand le taureau meurt, sa queue s’épanouit en 3 épis pour donner naissance aux fleurs, aux céréales et aux plantes.
En quoi consiste ce culte secret ?
Ce culte ésotérique est réservé à des initiés qui passent des épreuves (7 degrés à gravir) avant de devenir Grand Maître (appelé Père). Les temples étaient nombreux et visibles mais il n’y avait que les initiés qui avaient connaissance de ce qu’il s’y passait. C’est le côté secret du culte.
Ce phénomène a pris une grande ampleur à partir du 1er siècle avant JC et a perduré durant tout l’empire romain car grandement prisé par les légionnaires et prit aussi la forme du culte de Sol Invictus (le Soleil invaincu). Ceux-ci étaient de toutes origines et souvent déjà initiés à ce culte particulier.
Au départ, il s’agissait de prisonniers à qui le choix était donné d’entrer dans la légion ou de combattre un gladiateur dans l’arène … Choix vite fait pour nombre d’entre eux !
Les Romains, très libéraux, acceptaient tous les cultes : Mithra a donc continué à se propager.
A la campagne, le culte se pratiquait dans un cadre naturel (une grotte, une carrière) mais en ville, il se déroulait dans un mithraeum (temple). Rien qu’à Rome, on en dénombrait une centaine.
Le chemin initiatique
La voie proposée aux adeptes est de quitter le monde profane pour entrer dans celui des initiés en parcourant les 7 grades, donnant lieu chacun à une cérémonie, un passage ou une épreuve.
A chaque grade est attribué un nom, une planète, une couleur, un élément, un végétal, etc.
La progression complète peut prendre des années.
Le clou de l’initiation est le sacrifice du taureau dans le temple.
L’initié est régénéré par le sang de l’animal sacrifié que l’on fait ruisseler sur lui. Cette cérémonie est suivie d’un banquet où on mange la viande de la bête et boit son sang.
Par le baptême du sang et la communion (le banquet), l’initié est régénéré et a un aperçu de l’immortalité.
Le parcours des grades est un itinéraire de transformation personnelle. En atteignant le 7ème grade, on n’est plus le même homme qu’au premier, vu les épreuves imposées (passer 3 jours dans le noir, être marqué au fer rouge, etc).
Une autre perspective
Connaître ce culte est important car il vient bousculer les idées reçues et va jusqu’à poser question sur les origines du catholicisme romain.
Plusieurs faits sont troublants :
- Jésus serait né un 25 décembre mais on sait que cette date a été choisie de manière arbitraire. Cette date correspond cependant à la date de naissance de Mithra.
- Le jour sacré de Mithra est le dimanche.
- Les symboles du Père au 7ème grade sont l’anneau, la canne du berger et le bonnet phrygien, ce qui ressemble étrangement à l’anneau, la crosse et la mitre de l’évêque.
- le Père des Pères, grand patron des maîtres du culte résidait à Rome, tout comme le Saint-Père catholique encore actuellement.
- un temple de Mithra se trouvait sur un flanc du Capitole et un autre sur une colline de Vatican, là où se trouve Saint-Pierre de Rome aujourd’hui …
Le christianisme aurait-il transposé le culte de Mithra ?
Il y a vraiment beaucoup de correspondances avec le christianisme, jusque dans certaines formules qui qualifient le Christ. Saint-Paul a dit : “Le Christ est comme un rocher et de lui sort la vie”. Quand on sait que Saint-Paul est né à Tarse (dans la Turquie actuelle), très grand centre Mithra …
Quand les théologiens catholiques ont été interpelés à ce sujet, ils ont rétorqué que c’était le culte de Mithra qui avait copié le christianisme. Or, comme on l’a vu précédemment, ce culte est antérieur de plusieurs siècles à la religion chrétienne.
Fin de règne
Le règne de cette doctrine s’est terminé au 4ème siècle, les chrétiens ayant définitivement pris le dessus.
Au fil des ans, les empereurs romains sont passés de la persécution des chrétiens (Dioclétien, vers 290-300) à la tolérance puis à la conversion (empereur Constantin). Entretemps, Julien, qui n’a régné que 2 ans avant d’être assassiné, est revenu au paganisme. Mais c’est l’empereur Théodose qui, en 391, a ordonné l’éradication des cultes païens et fait raser tous les sanctuaires Mithra.
Cela explique l’extinction de ce culte et le fait que l’on trouve peu de traces archéologiques. Quelques-unes ont quand même survécu, sans doute des objets sauvés par des initiés (des reliefs, statues ou parchemins enterrés). C’est ce qui permet aujourd’hui d’avoir une certaine connaissance de ces rituels. Connaissance également alimentée par ceux qui ont le plus combattu ces principes, comme Saint-Jérôme.
Comme nous l’avons vu, le culte de Mithra a été fort présent durant des siècles et a laissé une empreinte considérable dans les croyances et les traditions qui sont parvenues jusqu’à nous. Mythologie et religion se rejoignent.
Et la conclusion que nous pouvons faire sans détour rejoint celle formulée au 19ème siècle par l’auteur Ernest Renan : “Si le christianisme n’avait pas pris à l’origine comme il l’a fait, la religion actuelle serait mithriaque”.
Super article explicatif, merci !