C’est fois, c’est parti. Ce lundi 9 mars, la BCE a commencé à racheter sur le marché des obligations d’Etat de 17 des 19 pays de la zone euro d’une maturité de 2 à 30 ans. C’est le début du fameux « Quantitative easing » ou « assouplissement quantitatif » annoncé le 22 janvier, et appelé dans le jargon de la BCE « programme de rachat de dette du secteur public (Public Sector Purchase programme ou PSPP). Ce programme est destiné à permettre à la zone euro de se rapprocher de l’objectif d’inflation de l’institution de Francofrt (« en dessous, mais proche des 2 % »).
Les modalités techniques
Rappelons-en rapidement le principe : la BCE a indiqué vouloir racheter jusqu’à 60 milliards d’euros de titres d’Etat par mois pendant au moins 19 mois, soit un total de 1.140 milliards d’euros. En réalité, ce programme pourra être ajusté dans la longueur en fonction de l’évaluation du niveau d’inflation, donc de l’objectif du PSPP. Ces rachats vont se faire au prorata de la clé de répartition du capital de la BCE. Autrement dit, dans les montants rachetés par l’Eurosystème, la part des titres nationaux devront refléter la part des banques centrales nationales dans ledit système. En clair, on devrait racheter environ 27 % de titres allemands sur l’ensemble des titres nationaux, 20 % de titres français et 18 % de titres italiens… A noter que les risques liés à ces achats seront assumées à 80 % par les banques centrales nationales. La BCE assumera les risques sur 8 % des rachats de titres souverains et sur les rachats de titres d’institutions de la zone euro, déjà mutualisés, qui représenteront 12 % du total.
Pour maintenir la fiction juridique nécessaire d’un prix fixé non par la BCE mais par le marché, cette dernière s’est engagée à ne pas acheter plus de 33 % des titres émis par un Etat. Parallèlement, pour éviter de devoir négocier avec l’Etat en cas de défaut, la BCE ne devra pas détenir plus de 25 % de chaque émission de titres. Enfin, pour limiter ses pertes éventuelles, l’institution de Francfort s’est engagée à ne pas acheter de dettes à un niveau de prix inférieur à son taux de dépôt, actuellement à -0,20 %. Enfin, le rachat de titres grecs et chypriotes est soumis à conditionnalité et sera décidé d’ici à juillet prochain.
L’objectif de la BCE
Que visent ces rachats ? Le but du PSPP est d’acheter des actifs jugés sûrs pour fournir de la liquidité à des investissements plus risqués. Schématiquement, un investisseur qui va vendre ses titres d’Etats va être tenté d’utiliser ces fonds pour investir dans des actifs plus risqués : actions, obligations d’entreprise, voire capital-investissement. L’afflux de liquidités dans ces marchés va faire baisser le coût du financement du capital des entreprises et, donc, dans l’esprit de la BCE, favoriser l’investissement, donc la reprise et l’accélération de l’inflation. Autre effet attendu : la baisse des taux dans les pays périphériques devrait faire reculer le taux de financement des banques de ces pays et donc favoriser la distribution de crédits. Dernier élément : en inondant le marché d’euros alors que la Fed s’engage dans une politique de relèvement des taux, la BCE joue clairement une dépréciation de l’euro qui renchérit les importations et dynamise les exportations.
Déjà dans les cours
En réalité, le marché n’a pas attendu le début concret du QE pour prendre en compte ce programme. Les taux ont déjà beaucoup reculé. Espagne, Portugal et Italie se financent désormais à dix ans largement à meilleur marché que les Etats-Unis. Les marchés actions ont déjà beaucoup progressé. De même, l’euro a dégringolé dans cette optique du QE de la BCE, passant sous la barre des 1,10 dollar ce week-end. Une pièce bicolore vaut 1,08 dollar ce lundi 9 mars contre 1,30 dollar en septembre, soit une dépréciation de 17 %. Bref, la BCE a déjà réussi une grande partie de son pari.
Le plus difficile commence
Le plus difficile commence cependant maintenant. Le marché ayant déjà pris en compte l’effet du QE, il ne devra pas décevoir. Mais la BCE va devoir faire face à plusieurs défis : trouver chaque mois des vendeurs pour ses rachats en sera un. Transmettre l’effet du QE à l’économie réelle en sera un autre. L’investissement ne se décrète pas par une simple baisse du coût du financement. Il faudra une vraie reprise de la demande et des perspectives de demande. La baisse de l’euro peut aider, mais compte tenu de la dynamique limitée du commerce mondial, la question peut se poser de savoir si l’essentiel des effets positifs de cette baisse sur la conjoncture n’est pas déjà réalisé. Bref, l’effet durable du PSPP de la BCE reste incertain.
Source : La Tribune