Les excréments humains utilisés comme médicament

Après l’or noir et l’or bleu, voici l’or brun. Le magazine Québec Science a publié jeudi un dossier sur les excréments où on apprend qu’on utilise des selles humaines pour guérir de nombreuses maladies, dont les infections à la bactérie Clostridium difficile (C. difficile).

« Les excréments nous dégoûtent. Mais, pour les chercheurs, ce sont des trésors. Plongez avec eux au fond de la cuvette! » écrit Québec Science en page frontispice de son numéro de mars 2018.

Dans l’un des articles rapportés en ondes par Marie-France Bélanger, chroniqueuse à la revue des médias de Gravel le matin, on y apprend que la greffe de matières fécales fait des miracles dans les hôpitaux contre la bactérie C. difficile.

S’ils n’ont pas une bonne réputation, les excréments comptent de bonnes bactéries. Si bien que lors d’une greffe de matières fécales, les selles d’un donneur sain sont injectées dans le tube digestif du malade par sonde nasale ou par coloscopie.

Ce traitement, qui provient d’une pratique ancestrale, a pris son envol en 2013 après la publication d’une étude aux résultats prometteurs. L’efficacité de la greffe de matières fécales dans le traitement du C. difficile est telle que l’étude parle d’un taux de guérison des malades se situant entre 80 et 90 %.

Au Québec, certains hôpitaux pratiquent la greffe des matières fécales, mais le nombre de personnes ayant bénéficié de ce traitement est inconnu.

L’utilisation des selles à titre de médicaments pourrait être élargie. Des chercheurs envisagent d’utiliser ce type de greffe pour traiter d’autres troubles, tels que l’autisme, l’alzheimer et l’obésité.

Transplantation fécale : un traitement à encadrer

Certaines situations pathologiques peuvent décimer les bactéries qui peuplent nos intestins. Les souches bactériennes résistantes peuvent alors se multiplier à loisir, conduisant à de graves infections. Afin de repeupler la flore intestinale des malades, une technique a été proposée dès les années 1950 : l’introduction des selles d’un donneur sain dans le tube digestif des patients. Ces transplantations suscitent de plus en plus d’intérêt dans la communauté médicale, certains chercheurs suggérant d’y recourir pour soigner de nouvelles pathologies. L’Agence du médicament (ANSM) a publié mi-mars 2014 une évaluation des bénéfices et des risques de cette pratique.

La flore intestinale est composée de milliards de bactéries vivant dans notre tube digestif. Parfois, lors d’une antibiothérapie, un très grand nombre de ces bactéries meure, laissant subsister quelques bactéries résistantes, qui peuvent se multiplier à loisir.

Clostridium difficile est l’une de ces bactéries capable de résister à l’immense majorité des antibiotiques, et la principale des diarrhées infectieuses en milieu hospitalier. Elle est également à l’origine de nombreux cas de septicémie. De nombreux essais cliniques ont évalué l’intérêt des greffes fécales pour contrecarrer cette infection du côlon. A la lumière de ces travaux, la Société européenne de microbiologie clinique et de maladies infectieuses (ESCMIDrecommande désormais fortement cette pratique pour les infections récurrentes multiples à Clostridium difficile (infections multirécidivantes).

Depuis quelques années, des médecins suggèrent d’expérimenter cette thérapie pour soigner les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), les troubles fonctionnels intestinaux ou l’obésité. Les bactéries intestinales pouvant intervenir pour moduler l’activité de notre système immunitaire, la greffe fécale a également été proposée pour aider à combattre des maladies auto-immunes. Cette flore étant également considérée comme notre “deuxième cerveau”, certains chercheurs voient dans la transplantation de la flore microbienne une piste pour traiter divers désordres neuropsychiatriques.

Greffe fécale : des résultats “encourageants, mais qui restent limités”

Afin d’encadrer cette pratique, l’Agence du médicament (ANSM) a mis en place à l’automne 2013 un comité scientifique pour en évaluer les bénéfices et les risques réels. Les conclusions de leurs travaux ont été rendues publiques le 20 mars 2014.

Pour le comité d’experts il n’existe pas, en l’état actuel des connaissances, “de situations contre-indiquant la transplantation de microbiote fécal”. Cependant, “en l’absence d’un rapport bénéfice/risque clairement établi”, cette approche doit être réservée “aux situations graves ou rares”, en échec de traitement conventionnel et en l’absence d’alternative thérapeutique disponible et appropriée.

L’ANSM rappelle que la pratique est associée à des résultats “encourageants, mais qui restent limités” au traitement des infections intestinales. De fait, pour toutes les autres pathologies, les experts jugent souhaitable que “le caractère expérimental de ce traitement” et les risques “connus et hypothétiques” qui lui sont associés soit communiqués aux patients-receveurs.

Pour des patients receveurs immunodéprimés, “une évaluation individuelle du risque encouru doit être particulièrement prise en compte au regard du bénéfice escompté compte-tenu de la situation clinique [individuelle].”

Une pratique non exempte de risques

Pour l’ANSM, “le microbiote fécal étant utilisé à visée curative ou préventive à l’égard de maladies humaines, il doit être considéré comme un médicament, et, à cet égard, sa préparation doit être réalisée sous la responsabilité [des laboratoires de pharmacie des établissements] de santé.”

L’agence note par ailleurs que la transplantation de microbiote fécal est associé à un risque allergique, mais également un risque infectieux, si la flore intestinale du donneur n’est pas saine. Les experts préconisent donc une “sélection rigoureuse et standardisée des donneurs”, incluant un dépistage exhaustif d’agents infectieux (bactéries, virus, parasites) dans leur sang et leurs selles. Le don doit par ailleurs “être caractérsé par un aspect normal, c’est à dire des selles moulées, [une] absence d’urine, de sang ou de pus”.

“L’encadrement du risque repose [également] sur la traçabilité du produit, permettant d’identifier et de faire le lien entre les différentes étapes de la procédure de transplantationainsi qu’entre les profils de donneur(s) et de receveur(s).”

VOIR AUSSI :

“L’intestin : notre deuxième cerveau ?”: conférence de Gabriel Perlemuter

 Dans le cadre de la manifestation départementale “La Science se livre”, la Médiathèque de Suresnes a accueilli le 24 janvier 2017 Gabriel Perlemuter, chef de service à l’hôpital Antoine Béclère de Clamart. Ce dernier, lauréat du prix du livre documentaire scientifique, est revenu sur l’action de ces bactéries qui nous veulent du bien au sein de notre intestin.

 

Sources : Radio Canada / Allo Docteurs / Bibliothèques de Suresnes

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