Escort-girl à 16 ans, un phénomène alarmant, la police démunie

Des milliers d’ados vendent leur corps contre des cadeaux ou de l’argent. Parents, policiers, juges et éducateurs sont désarçonnés face à ces filles qui refusent leur aide. Enquête sur un phénomène qui n’épargne aucun milieu social.

Cela se passe dans le Val-de-Marne. Marie* vit entre une mère hôtesse d’accueil, le compagnon de celle-ci, son petit frère et sa sœur de 9 mois, dans un pavillon comme il y en a tant d’autres. La jeune fille rêveuse et timide s’ennuie dans son lycée professionnel. Sèche les cours. Rentre tard. Sort beaucoup.  

Sa mère, Johanna, l’interroge sur les jolis vêtements, les parfums, les produits de maquillage qu’elle rapporte parfois à la maison. “Des cadeaux offerts par un copain”, répond l’adolescente. “Dans son sac de classe, j’ai découvert de la lingerie et des escarpins, se souvient sa mère. Je lui ai posé des questions, elle s’est mise à crier, à claquer les portes…” 

Après une fugue, une de plus, Marie, 16 ans, finit par avouer: elle vend son corps depuis le collège. Le “jeu” est devenu une activité à temps plein ou presque, dopée par les petites annonces postées sur Vivastreet et Wannonce. “On ne voit pas son visage, précise Johanna, mais j’ai reconnu son tatouage.” Trois ans plus tard , Marie a abandonné l’école et les cours de danse. Dans le placard de sa chambre, elle cache des bouteilles d’alcool. Tous les jours, en fin d’après-midi, elle se fait belle, fume un pétard, puis s’en va. Toutes les nuits , Johanna guette son retour.  

Prostitution de survie

L’histoire de Marie ressemble à celle de milliers de jeunes filles à peine sorties de l’enfance qui monnaient leurs charmes à l’heure du déjeuner, après les cours ou le week-end. Prostituées, elles ? Le terme les révulse. Elles “michetonnent”, disent-elles, recyclant sans le savoir un vieux mot d’argot, “micheton”, qui désignait autrefois le client d’une fille de joie. Des hommes plus âgés, leurs “pigeons”, leur offrent fringues de marque ou sacs à main contre un moment de tendresse. Et plus si affinités.  

“Cette forme de séduction vénale peut les amener à la prostitution”, témoigne Liliana Gil, éducatrice spécialisée, qui a consacré à ce sujet un mémoire passionnant, “Le pigeon michetonné, la pigeonneuse plumée”. Parfois, elles franchissent le pas. Les voilà “escorts” ou “accompagnatrices”.  

Les motivations des filles sont multiples mais "toutes celles qui se prostituent ont des failles. Elles souffrent d

Les motivations des filles sont multiples mais “toutes celles qui se prostituent ont des failles. Elles souffrent d’une très faible estime d’elles-mêmes”, confie une éducatrice.

Capture d’écran

Des proxénètes, les garçons qui, moyennant une fraction de leurs gains, gèrent leurs annonces sur Internet, fournissent pizzas et téléphone jetable, réservent une chambre d’hôtel ou un appartement Airbnb et montent la garde dans la pièce voisine ? Pas du tout. Ce sont des “bodyguards”, des “potes” ou des “copains” serviables. Pudeur des mots pour masquer la réalité moins glamour de relations sexuelles tarifées. 

“Nous sommes confrontés à toutes sortes de situations, observe Emmanuel Meunier, chef de projet à la mission métropolitaine de prévention des conduites à risques de Seine-Saint-Denis. Des ados en rupture familiale qui basculent dans la prostitution de survie; des ‘crasseuses’ prêtes à troquer un rapport sexuel dans une cage d’escalier contre un sandwich, et d’autres qui michetonnent pour s’offrir une semaine de vacances à Ibiza.”  

Myriam, recrutée à 17 ans par d’anciens camarades de lycée, s’était juré d’arrêter au bout de quelques mois, le temps d’amasser assez d’argent pour se faire refaire le nez et la poitrine, se payer le permis de conduire et acheter une voiture. Ses proxénètes seront jugés à Créteil (Val-de-Marne) le 5 décembre. 

Culte de la consommation, pornographie sur Internet…

Combien sont-elles ? Qui sont-elles? Pourquoi, à l’heure des premières amours, choisissent-elles de marchander leurs charmes? “C’est un sujet extrêmement dérangeant que beaucoup préfèrent nier ou évacuer en accusant les associations d’exagération, s’emporte Armelle Le Bigot-Macaux, présidente d’Agir contre la prostitution des enfants. En nous appuyant sur les professionnels de terrain, nous estimons pourtant que, en France, entre 6000 et 8000 mineurs, surtout des filles, se prostituent. Cela va de la fellation dans les toilettes du collège au racolage sur le trottoir. Nous réclamons à cor et à cri une étude pour évaluer le phénomène.”  

Aucun milieu social n’est épargné, selon elle: “Des infirmières scolaires des Hauts-de-Seine nous racontent que des voitures viennent attendre les gamines à la sortie de lycées d’Issy-les-Moulineaux ou de Rueil-Malmaison et les raccompagnent après le déjeuner.” 

Infirmière et sexologue, Claude Giordanella connaît bien ces “michetonneuses”. “Un quart d’entre elles environ sont issues des classes aisées”, estime-t-elle. Comme Lisa, 17 ans, parents cadres et soeur en fac de médecine, brillante élève de terminale et escort occasionnelle, qui avait tellement peur de rater son bac. Ou ces deux copines de Nice que leurs parents ont fait suivre, intrigués par les objets de luxe et l’argent liquide découverts dans leurs chambres. 

“Leurs motivations sont multiples, analyse la sexologue: obtenir des chaussures de luxe ou le dernier iPhone, accéder à un ‘clan social’, affirmer leur capacité de séduction, se venger des hommes ou même se faire peur pour se sentir exister.” 

Dans les beaux quartiers comme au cœur des cités ou dans les campagnes, l’époque facilite le passage à l’acte, entre culte de la consommation, pornographie à portée de clic, publicités sexuellement explicites et sites Internet vantant l’infidélité ou incitant les étudiantes fauchées à rechercher le soutien de généreux sugar daddies. Avec, en prime, la complicité d’Internet et des réseaux sociaux, si commodes pour échapper à la vigilance des parents.  

“Sois belle et bonne, et tu auras tout, tout de suite”

“Toutes les filles qui michetonnent ou se prostituent ont des failles, nuance une éducatrice. Elles souffrent d’une très faible estime d’elles-mêmes, de carences affectives ou de difficultés scolaires. Beaucoup ont connu des violences intrafamiliales ou des atteintes sexuelles.” 

Biberonnées à la télé-réalité et aux clips vidéo, nombre d’ados vénèrent Nabilla ou Kim Kardashian. “Le message qu’elles assimilent, c’est: ‘Sois belle et bonne, et tu auras tout, tout de suite’, pointe Katia Baudry, qui prépare une thèse sur la sociabilité des filles dans les quartiers populaires. Avec le michetonnage, elles espèrent y parvenir.”  

Zahia, qui a prodigué ses faveurs à quelques footballeurs renommés, est devenue créatrice de lingerie. Aujourd

Zahia, qui a prodigué ses faveurs à quelques footballeurs renommés, est devenue créatrice de lingerie. Aujourd’hui riche et célèbre, elle assume.

K. TRIBOUILLARD/AFP

Et puis, quel mal y aurait-il à pratiquer une activité dont le rappeur Rhoff a fait la promotion avec sa chanson Starfuckeuze: “T’as le boule qui chamboule la vue / T’as la bouille qui provoque des embrouilles […] / T’as la chute de reins qui cause la chute sur l’terrain”? Zahia, qui a prodigué ses faveurs à quelques footballeurs renommés, n’est-elle pas aujourd’hui riche et célèbre? L’escort devenue créatrice de lingerie assume: “Les hommes sont souvent intéressés seulement par une relation sexuelle. […] On se dit, du coup, que si c’est juste pour avoir un rapport, autant avoir quelque chose en échange”, déclare-t-elle dans un long entretien au magazine en ligne Antidote. Pour elle, “la pute représente la liberté”. 

Les policiers, les juges, les éducateurs et les parents sont dépassés. Décontenancés. “Pour certaines filles, le sexe tarifé est une véritable activité professionnelle qui leur permet de s’offrir ce qu’elles veulent, sans se lever à l’aube, comme leur mère, pour enchaîner trois boulots différents”, pointe un officier de la brigade de protection des mineurs (BPM). Récemment, l’une d’elles a asséné à un policier qu’elle gagnait en un jour ce que lui touchait à la fin du mois. 

Un nouveau proxénétisme en train d’émerger

A la BPM, les affaires de proxénétisme sur mineures s’empilent. 14 en 2013, 32 deux ans plus tard, 80 depuis le début de cette année. “C’est compliqué, car, souvent, les filles refusent de coopérer, donc de nous aider à identifier les prétendus ‘copains’ qui assurent la logistique de la prostitution”, souligne le commissaire divisionnaire Vianney Dyevre, patron de cette brigade spécialisée.  

Sarah, 14 ans, a été retrouvée dans une chambre du XIIIe arrondissement de Paris. C’est l’un de ses clients qui a donné l’alerte lorsqu’il a appris que la gamine était en fugue et recherchée. Mais impossible d’arracher à Sarah la moindre information sur ses proxénètes. A peine reconnaît-elle se prostituer. “Quand elle a compris que nous allions la renvoyer chez ses parents, elle a réagi comme une furie et nous en sommes venues aux mains”, raconte la policière qui l’a auditionnée. 

Les cas de filles séquestrées et forcées à enchaîner les passes, très médiatisés, sont rares. En revanche, il arrive que certaines veuillent décrocher. “Là, elles nous aident à faire tomber l’organisation”, poursuit la policière. May, 17 ans, se prostituait depuis deux ans quand elle a compris que son “copain” si gentil avec elle, “la première personne à prendre soin” d’elle, en faisait autant avec d’autres. Furieuse, elle a appelé la police et donné les noms et les numéros de téléphone de tous les hommes impliqués dans le réseau. Parfois, c’est un client violent, une rencontre amoureuse ou une grossesse qui incitent ces ados à changer de vie. 

Malgré ces aléas, d’anciens dealers, en quête d’une activité moins exposée que le trafic de drogue, ont flairé le bon filon: un business lucratif, sans apport financier ni logistique complexe. Un nouveau proxénétisme est en train d’émerger, avec ses recruteurs qui postent des annonces sur Internet, ses rabatteuses chargées de ramener des copines, ses “nourrices” qui louent une chambre de leur appartement. Et un sacré atout: les volontaires ne manquent pas. 

Escort-girls à cannes à 15 ans (Reportage choc)

 Zoé et Manon, deux adolescentes, plongent dans le monde de la prostitution à seulement 15 ans. Obsédées par le luxe et l’argent facile, les deux jeunes filles opèrent en tant qu’escort girl. Après 3 mois de rendez-vous tarifés avec de riches clients, elles sont finalement dénoncées par leur propre mère.
 

Sources : L’ExpressInvestigations et Enquêtes

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