«Pôle Emploi va révéler bientôt son enquête, dans quatre régions, la Franche-Comté, Paca, Basse-Normandie, Poitou-Charentes. Est-ce que vous savez combien de demandeurs d’emploi ne cherchent pas d’emploi ? […] Le chiffre sortira vers le 11-12 septembre. C’est 30 %.»
INTOX. Quelques jours après la sortie de François Rebsamen, ministre du Travail, annonçant un «renforcement du contrôle» des chômeurs, Jean-Pierre Elkabbach, au micro d’Europe 1, a nourri la polémique en balançant une petite bombe : à en croire le journaliste, 30% des chômeurs ne chercheraient pas à retrouver du travail, une condition pourtant nécessaire pour être considéré comme demandeur d’emploi. Un chiffre provenant des résultats d’une expérimentation menée par Pôle Emploi, dont la publication serait imminente : «Pôle Emploi varévéler bientôt son enquête, dans quatre régions, la Franche-Comté, Paca, Basse-Normandie, Poitou-Charentes. Est-ce que vous savez combien de demandeurs d’emploi ne cherchent pas d’emploi ? […] Le chiffre sortira vers le 11-12 septembre, c’est 30 %.»
DESINTOX. Nous sommes le 16 septembre, et aucune étude n’est encore sortie pour confirmer les dires de Jean-Pierre Elkabbach. Pôle Emploi confirme que des expérimentations sont bien en cours depuis en juin 2013 dans les quatre régions citées par le journaliste d’Europe 1 : Franche-Comté, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Basse-Normandie et Poitou-Charentes. Quatre régions dans lesquelles Pôle Emploi a mis en place dans la plus grande discrétion des équipes dédiées au contrôle de la recherche d’emploi des chômeurs. Un système inédit : le contrôle fait partie, avec l’accompagnement, de la mission des conseillers Pôle Emploi, mais il n’existe plus de «contrôleurs» à plein-temps depuis la fusion de l’ANPE et des Assedics et la création de Pôle emploi en 2008.
Les contrôleurs des quatre régions tests ont-ils découvert une fraude massive, comme le prétend Jean-Pierre Elkabbach ? Aucun bilan officiel n’a pour l’instant été publié. Les conclusions, d’abord prévues pour cet été, seront connues «d’ici la fin d’année», selon Pôle Emploi. «L’expérimentation doit être présentée aux partenaires sociaux dans le cadre du Conseil d’administration, puis aux délégués du personnel. Aucune communication ne sera faite avant». Mais au-delà de la date citée par Elkabbach, c’est le chiffre de 30% qui suscite des interrogations.
«30% des sans-emploi qui ne cherchent pas de travail ? Ça semble délirant», affirment plusieurs sources internes. Un chiffre avait déjà filtré d’un bilan d’étape daté de février, révélé par le Monde et il est loin de la proportion évoquée par Elkabbach : seuls 6,47 % des 2.600 chômeurs contrôlés sur les agences tests de Manosque (Alpes-de-Haute-Provence) et Toulon (Var) entre juin 2013 et février 2014 auraient été sanctionnés (par une radiation de 15 jours). Un faible nombre de sanctions qui n’étonne pas Bernie Billey, déléguée syndicale de la CFDT Pôle emploi : «les remontées que l’on a eues de l’expérimentation sont plutôt positives.»
En Haute-Normandie, une des régions tests qui a depuis quitté l’expérimentation, les contrôles ne se sont pas non plus révélés significatifs : «sur trois agences testées, seulement 14 avis négatifs [pour insuffisance de recherche] ont été émis. On est loin d’une fraude à grande échelle», analyse Véronique Riesco, élue CGT Pôle emploi dans la région. «Cela correspond à ce que l’on vit dans les agences. Les gens cherchent vraiment du boulot.» Philippe Sabater, secrétaire national du syndicat SNU-Pôle Emploi, confirme : «le profil type, ce sont plutôt des cadres de plus de 50 ans prêts à travailler au SMIC». L’élu syndical estime que ceux qui ne cherchent pas représentent environ «30.000 personnes», sur 5 millions de chômeurs, toutes catégories confondues (A, B, C).
Pour Pôle Emploi, la proportion de chômeurs en non-recherche est tout simplement «impossible à chiffrer» à l’échelle du territoire. L’organisme ne publie aucune statistique nationale sur l’insuffisance de recherche, et pour cause : il n’existe par exemple aucun outil centralisé qui permet de détecter automatiquement ceux qui répondent aux offres de Pôle Emploi. Ce dispositif ne serait de toute façon pas viable, puisque les demandeurs d’emploi n’ont pas forcément tous accès à internet, et peuvent effectuer leurs recherches sur les bornes disponibles en agence ou via les bonnes vieilles petites annonces. Quant aux radiations (525 800 l’an dernier), elles ne concernent pas uniquement les chômeurs sanctionnés pour non recherche. La cause la plus fréquente de radiation de la liste des demandeurs d’emploi ? Les «absences à convocation», c’est-à-dire le fait de ne pas se rendre à un entretien avec son conseiller. Elles représentaient 90 % des radiations contestées auprès du médiateur de Pôle emploi au premier semestre 2012. «A contrario, les absences pour insuffisance de recherche d’emploi sont rares», relevait le médiateur de Pôle Emploi dans son dernier rapport, les évaluant à 2% des radiations. Les 30% d’Elkabbach restent donc mystérieux.
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Source : Libération / Par Juliette Deborde, le 16.09.2014 / Relayé par Meta TV
un chômeur pourrait aussi répondre : “Vous savez combien de présentateurs gagnent beaucoup trop d’argent pour faire un métier qui en + leur fait plaisir et pourrait faire vivre plusieurs familles avec leur seul salaire très alléchant ?