Comment traiter les djihadistes de retour au pays ? Au Danemark, « on les accueille à bras ouverts »

Au terme de "méthode douce", Allan Aarslev préfère celui "d'approche par le dialogue". Le chef de la section pour la prévention de la radicalisation et de l'extrémisme de la police d'Aarhus, deuxième ville du Danemark, applique depuis cette année un programme de réhabilitation unique à destination des Danois partis faire le djihad en Syrie.

Dans un entretien accordé à Vice News, il explique son approche qui vise à réintégrer au sein de la société des djihadistes ayant combattu en Syrie. Plutôt que de les arrêter et de confisquer leur passeport (deux mesures défendues par le gouvernement français), il s'agit, en accord avec la police et sur la base du volontariat, de leur proposer un suivi médical et psychologique.

"Nous les accueillons à bras ouverts"

Au centre de l'approche d'Aarsley et de son équipe, l'absence de punition et l'inclusion des familles. Ce sont elles qui, en général, préviennent du retour de leur enfant au pays et c'est à travers elles qu'un contact peut être établi.

Steffen Nielsen, conseiller en prévention des crimes et membre de cette "task-force", a donné plus de détails à Al-Jazira.

"Nous, nous les accueillons à bras ouverts quand ils rentrent à la maison. Contrairement à l'Angleterre, où vous pouvez être emprisonnés pendant une semaine le temps qu'ils déterminent qui vous êtes, nous demandons : 'Avez-vous besoin d'aide ?'".

Pour justifier cette main tendue à des hommes souvent considérés comme des terroristes, Steffen Nielsen explique que, d'expérience, si certains d'entre eux peuvent représenter une menace, la plupart sont plutôt traumatisés par ce qu'ils ont vu et ont besoin de soutien.

"Beaucoup de gars qui reviennent ont perdu leur innocence. Ils croyaient se rendre là-bas pour une bonne cause [combattre le régime de Bachar Al-Assad]. Et ce qu’ils trouvent,  ce sont des brutes qui décapitent des femmes et des enfants, qui violent ou qui tuent des gens. Tout pue, on attrape la diarrhée en buvant de l’eau, et ça n’est pas la grande bataille cosmique qu'on avait imaginée".

"Un complément" peu cher

Les effets préventifs de cette approche sont aussi mis en avant par les équipes. Les policiers et psychologues ont établi un dialogue avec les candidats au djihad directement dans les mosquées d'Aarhus, avec l'accord des leaders musulmans locaux, et pensent avoir tari une potentielle filière vers la Syrie par le dialogue.

Selon l'agence de renseignement danoise PET, plus de 100 Danois sont partis combattre Syrie depuis 2011. Allan Aarslev note qu'ils étaient moins nombreux cette année, tout en reconnaissant qu'il ne savait pas si ces "bons" chiffres étaient uniquement dus au travail de son équipe.

Ailleurs en Europe, la question ne se pose pas car de telles méthodes, appuyées par les pouvoirs publics, n'existent tout simplement pas. En France et au Royaume-Uni, les lois antiterroristes ont été durcies à la fois pour surveiller les individus et empêcher leur départ, via notamment la confiscation de passeport. Le Danemark, qui fait partie de la "coalition" de pays emmenés par les États-Unis qui bombardent l'EI, réfléchit à faire de même.

Face aux critiques qui estiment que sa méthode est risquée, Steffen Nielsen rétorque qu'éviter le tout répressif a permis à plusieurs jeunes hommes de se réintégrer correctement, et par exemple de reprendre leurs études.

"Nos méthodes ne sont pas les seules, mais elles sont un complément génial et peu cher."

Pour Mehdi Mozaffari, expert interrogé par Al-Jazira, le programme mis en place à Aarhus va dans le bon sens, mais n'aura pas d'impact significatif s'il n'est pas mené à une échelle plus large, en l’occurrence celle du pays, voire de l'Union européenne.

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Source : Le Monde, le 30.09.2014

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