Comment le gouvernement détourne les fonds pour les personnes dépendantes

Pour la deuxième année consécutive, le gouvernement Ayrault réaffecte une partie des fonds prévus pour les personnes dépendantes vers un autre usage. Des députés de la majorité le regrettent et vont tenter de modifier cette mesure, inscrite dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2014. Les professionnels de l'action médico-sociale, eux, sont vent debout contre ce “détournement“, qui nie, d'après eux, les engagements pris fin 2012 par l'exécutif.

Il y a un an, le gouvernement avait mis en place une nouvelle taxe pour contribuer au financement de la future loi sur l'adaptation de la société au vieillissement, promise par . Prélevée depuis le 1er avril à hauteur de 0,3% des pensions de retraite des plus aisés, cette “contribution additionnelle” (CASA) alimente le budget de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).

Mais l'instauration de ce prélèvement s'était accompagné d'un tour de passe-passe : les recettes de la CNSA – issues de la contribution sociale généralisée (CSG) –, avaient diminué d'un montant équivalent à celui de la CASA – soit environ 450 millions d'euros, qui ont été reversés au Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Ce fonds, qui n'a aucun lien avec les problèmes de dépendance, finance en particulier le minimum vieillesse. Pour justifier ce transfert de recettes, le gouvernement avait alors mis en avant le fait que la CNSA n'avait pas encore besoin de tout cet argent puisque la loi sur la dépendance ne devait être examinée qu'en 2014.

Aujourd'hui, c'est le même mécanisme qui est reconduit dans le PLFSS 2014 : une partie du produit de la CSG, qui devait être attribué à la CNSA, va atterrir dans les caisses du FSV (soit un peu plus de 600 millions d'euros pour 2014). La réforme sur l'autonomie étant, en principe, adoptée en 2014, les besoins de financement liés à sa mise en œuvre seront relativement limités l'an prochain, plaide-t-on à Bercy, en soulignant que la CNSA dispose déjà de réserves substantielles, qui “devraient dépasser 200 millions d'euros en fin d'année“.

Cette disposition étonne Jérôme Guedj, député PS de l'Essonne et auteur d'un livre qui vient de paraître, Plaidoyer pour les vieux (Jean-Claude Gawsewitch, 224 p., 16.90€). “Je ne peux pas croire que le gouvernement ait oublié (…) les engagements pris (…) et propose en 2014 de continuer à détourner cette CASA de son but initial et légitime“, écrit-il sur son blog. Sollicité par Le Monde, il ajoute : “Je trouve que c'est un signal qui n'est pas idéal.” “Je pense que l'on aurait pu laisser un peu plus de grain à moudre pour le secteur médico-social“, complète Gérard Bapt, député PS de Haute-Garonne et rapporteur du PLFSS.

Le ton est nettement plus vif dans le secteur médico-social. “Il s'agit du plus grand détournement commis au détriment de la CNSA depuis qu'elle existe, tonne Pascal Champvert, président de l'Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA). C'est extrêmement grave et inacceptable.” Dans un communiqué diffusé mardi 1er octobre, la Fédération hospitalière de France s'élève contre cette décision qui interroge sur “la volonté du gouvernement de mener à bien une réforme de la perte d'autonomie à la hauteur des enjeux“.

Cette situation “n'a pas vocation à perdurer“, tempère Christian Paul, député PS de la Nièvre. Il précise que des discussions vont s'ouvrir entre le gouvernement et la majorité pour identifier des actions à financer, à court terme. Deux pistes pourraient être explorées : d'une part, une “amélioration” de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et des services d'aides à domicile ; d'autre part, un plan “exceptionnel” de modernisation des établissements d'hébergement pour les personnes âgées dépendantes (EHPAD).

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Source(s): LeMonde.fr / Par Bertrand Bissuel le 02.10.2013 

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