Ce que risque la France dans le bras de fer avec la Russie

"Avec Vladimir Poutine, on assiste à une repolitisation du monde, à l’instauration d’un système interétatique frictionnel", explique Thomas Gomart, directeur du développement stratégique de l’Institut français des relations internationales (Ifri). Il juge la situation liée à la crise ukrainienne "inflammable".

Le plus simple pour Moscou est de couper d’abord, comme en 2006 et 2009, le gaz à l’Ukraine. La fermeture de ce gazoduc, principal point de passage entre l’Est et l’Ouest, aurait des répercussions sur les approvisionnements du continent. Dominique Fache, président de la Fondation Sophia Antipolis, ex-patron de l’énergéticien Enel en Russie, souligne que la France a, en la matière, deux avantages par rapport à ses voisins.

"La prédominance du nucléaire, qui réduit sa sensibilité au gaz, et le fait d’avoir conclu d‘importants accords gaziers en matière de GNL avec le Qatar." D’autres pays européens, comme la Pologne, dépendent des Russes, ce qui permettra à Moscou de tester la solidarité entre les uns et les autres.

Une nouvelle crise pétrolière ?

Que se passerait-il maintenant si la Russie, premier producteur de pétrole avec 10 millions de barils par jour, décidait de tout arrêter ? Réponse de Patrick Artus, directeur de la recherche et des études à Natixis et administrateur de Total, qui a travaillé sur cette hypothèse: "Le prix du baril monterait à… 300 dollars, il y aurait en France 8 points de PIB en moins et 1,4 million de chômeurs en plus." Pas de panique, ce scénario, dixit Artus, est improbable, car il mettrait à plat l’économie russe, qui repose à 50% sur les ressources du pétrole et du gaz.

Sans aller jusqu’à ces cas extrêmes, l’engrenage sanctions, réactions, contre-sanctions peut avoir un réel impact. La Russie, membre de l’Organisation mondiale du commerce depuis 2012, a une capacité de nuire qui dépasse le seul terrain de l’énergie. Et là, la France – fortement investie en Russie – devient vulnérable. Un boycott serait par exemple dommageable pour Danone, dont environ 10% des ventes sont concentrées sur ce pays.

Renault très impliqué avec AvtoVAZ

Thomas Gomart évoque, lui, un scénario de "renationalisation" dans le cadre d’une montée organisée de la tension et alors que "la réaction des marchés n’est pas une donnée prioritaire pour Poutine". De quoi donner des sueurs froides à Renault-Nissan, qui contrôle 30% du marché automobile russe via AvtoVAZ, ou à la Société générale, qui a mis la main sur Rosbank, deuxième banque privée de Russie. En 2013, l’établissement russe a généré 165 millions d’euros de résultat, soit 4% des bénéfices du groupe financier français, dont l’exposition à ce pays dépasse les 20 milliards d’euros. "Nous ne sommes pas excessivement inquiets, nous conservons une vision à long terme", dit-on à la Générale, où aucune "cellule de crise" n’a été mise en place.

Avec dans son portefeuille, UkrSibbank, BNP Paribas est exposé au risque ukrainien : "700 agences, 10.000 salariés, 2 millions de clients particuliers, 270.000 PME et 4.000 grandes entreprises." Qu’en restera-il si l’Ukraine continue de s’enfoncer ? Là, les banques russes aussi seront mal. Leur exposition au risque ukrainien, selon Oxford Economics, dépasse 18 milliards d’euros.

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Source(s) : Challenges / Par Delphine Dechaux, le 16.03.2014 / Relayé par Meta TV

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