Berlin veut instaurer la collecte systématique des données des passagers aériens

Le gouvernement allemand plaide pour que les données des passagers aériens soient conservés au niveau européen, et ce, sans avoir à justifier les raison, pour lutter plus efficacement contre la menace terroriste. Les États membres devraient fixer les modalités du système de contrôle d'ici la fin de l'année . Un article d'EurActiv Allemagne.  

Les craintes en face au retour de djihadistes présumés en provenance du poussent les politiques à envisager des mesures préventives. En , Thomas de Maizière, ministre de l'Intérieur, plaide en faveur de la mise en place d'un système de conservation des données des passagers (PNR) à travers l', sans avoir à justifier les raisons.

« La surveillance des déplacements est un outil utile  pour assurer la sécurité nationale », expliquait le ministre, suite à une question du parti de gauche au Parlement allemand.

« Les djihadistes qui reviennent sur notre territoire constituent une menace pour la sécurité de l'UE. Nous devons lutter contre cette menace en mettant en place des mesures urgentes », a-t-il continué.

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Déterminer les habitudes des suspects

En collectant les données des passagers de façon systématique, le gouvernement allemand espère pouvoir déterminer les habitudes de déplacement des potentiels terroristes et de déterminer l'objet de leurs séjours à l'étranger, s'ils ont été dans des camps d'entrainement ou sur des zones de conflit.

La collecte des informations concernant les autres passagers des mêmes vols permettrait d'établir des liens avec des personnes également impliquées ou inconnues des services de sécurité jusque-là, selon le ministère de l'intérieur.

Un projet difficile à mettre en place

Mais à l'échelle européenne, la mise en oeuvre du dispositif pourrait s'avérer difficile. Si l'Europe a déjà conclu des accords à ce sujet avec les États-Unis ou l' dans le passé, ces accords avaient à l'époque provoqué de nombreux débat houleux sur la protection des données au Parlement européen.

En 2011, la Commission européenne a soumis une proposition sur le contrôle des passagers. Selon le projet de l'exécutif, toutes les informations récoltées sur les passagers via les systèmes de réservation et de gestion des vols devaient être transmises aux autorités chargées du contrôle des frontières dans le pays d'arrivée. Quelque 60 catégories de données différentes devraient être ainsi stockées, notamment les coordonnées, les itinéraires de voyage, les adresses IP des ordinateurs utilisés pour la réservation, les réservations d'hôtel, les numéros de carte de crédit et les préférences alimentaires.

Incompatibilité avec les droits fondamentaux 

Lors du sommet européen de la fin de mois d'août, les 28 chefs d'État et de gouvernement se sont déclarés prêts à faire en sorte que la révision des modalités du système de conservation des données des passagers soient fixés dans les plus brefs délais. Le ministère de l'Intérieur allemand s'est félicité de cette décision, tout en annonçant qu'il tentait actuellement de déterminer si des améliorations en matière de protection de données seraient nécessaires, suite à la décision rendue par la Cour de de l'Union européenne à ce sujet.

En effet, selon la Cour, la directive de l'UE sur la conservation des données constitue une violation des droits fondamentaux. Cette directive, qui autorisait la surveillance de tous les citoyens sans justification, a été annulée en avril 2014. La décision de la Cour européenne précisait que la surveillance devrait être limitée aux situations où elle était absolument nécessaire.

La protection des données, point faible de la proposition

Lors d'un entretien accordé à EurActiv , l'eurodéputée sociale-démocrate Birgit Sippel a qualifié la proposition du ministère de l'Intérieur de « décision à la va-vite qui n'apporte rien ».

Le système des dossiers passagers est un instrument au coût « exorbitant », estime-t-elle, et n'est « rien d'autre qu'une réaction impulsive à l'attaque qui a eu lieu au [le 22 octobre] ». Cet argent serait mieux utilisé s'il était dépensé à des fins de prévention et d'intégration des gens qui, pour des raisons diverses, se radicalisent.

La commission parlementaire chargée des libertés civiles, de la et des affaires intérieures devrait débattre de la proposition de la Commission européenne sur les dossiers passagers en novembre. Birgit Sippel estime quant à elle qu'aucune décision ne pourra être prise d'ici la fin de l'année.

>> Lire : Des députés de 16 États-membres interpellent l'UE sur la protection des données 

« Nous devons d'abord nous doter de normes légales sur la protection des données qui tiennent compte de nos droits fondamentaux en termes de vie privée, comme le confirme la décision de la Cour de justice de l' », soutient l'eurodéputée.

« La conservation des données des dossiers des passagers à grande échelle engendre une illusion de sécurité qu'elle ne nous assure pas dans les faits. De plus, les droits des citoyens européens seraient compromis par ce dispositif. Nous ne devons pas céder et renoncer à nos valeurs démocratiques », insiste-t-elle.

Les dangers d'une conservation sans limites

Andrej Hunko, porte-parole du parti de gauche pour l'intérieur, désapprouve également la proposition du gouvernement. Selon lui, celle-ci permettrait l'examen de « tonnes de données » et ouvrirait la voie à la « conservation sans limites des informations concernant les passagers aériens ».

Le porte-parole souligne également que les systèmes de surveillance existants permettent déjà de suivre les mouvements des combattants islamistes. En effet, toutes les agences de contrôle aux frontières reçoivent déjà des compagnies aériennes les Renseignements préalables sur les passagers (RPV) des vols qui atterrissent sur leur territoire.

Thomas de Maizière avance cependant qu'en termes de sécurité, la situation est grave, et que la menace terroriste s'intensifie.

« Le nombre de personnes à risque est plus élevé qu'il n'a jamais été par le passé », répète le conservateur. Un incident similaire à celui qui vient de se produire au pourrait même arriver en Allemagne, continue-t-il. « Nous sommes la cible de la haine [des extrémistes] parce que nous défendons la liberté », explique-t-il.

Les forces de sécurité estiment que la menace des terroristes qui se radicalisent seuls sur internet est dans les faits plus élevée que le risque d'une attaque longuement préparée par des groupes extrémistes.

Le dirigeant de l'Office fédéral de la police criminelle allemand (BKA), Jörg Ziercke, indique que les enquêteurs allemands surveillent à l'heure actuelle 225 personnes à risque, c'est-à-dire des extrémistes susceptibles, selon le gouvernement, de lancer une attaque terroriste. Il y a quelques années seulement, seulement 80 ou 90 personnes faisaient l'objet d'une telle surveillance, souligne-t-il.

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Source(s) : EurActiv / Traduction : Manon Flausch, le 31.10.2014

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