Une espèce bactérienne responsable d’infections en milieu hospitalier a développé une tolérance aux solutions hydro-alcooliques largement utilisées à l’hôpital depuis une vingtaine d’années.
Une espèce de bactéries responsable d’infections en milieu hospitalier aurait développé une tolérance… aux solutions hydro-alcooliques (SHA), des gels censés précisément annihiler les bactéries indésirables. Si la résistance aux antibiotiques est déjà un enjeu mondial de santé publique comme le rappelle fréquemment l’Organisation mondiale de la santé, cette nouvelle revêt un caractère particulièrement anxiogène. Car les SHA sont le moyen le plus efficace pour éviter que les bactéries ne se transmettent de main à main. Elles ont en été introduites au début des années 2000 dans les hôpitaux, non seulement parce qu’elles facilitent l’observance du lavage des mains (geste plus rapide et moins contraignant), mais aussi parce que leur action s’est vite révélée plus efficace qu’un lavage au savon. Depuis 2001, le Comité technique des infections nosocomiales recommande ainsi ” une friction des mains avec une SHA en remplacement du lavage des mains traditionnel par un savon doux ou une solution désinfectante “, et les recommandations actualisées de 2009 préconisent même de supprimer le savon antiseptique pour les mains des soignants car il n’est pas assez efficace et mal toléré.
Des bactéries plus résistantes à l’alcool
Mais la possibilité que les bactéries deviennent résistantes aux SHA n’avait quasi jamais été envisagée. Et pour cause, l’alcool qu’elles contiennent est censé tuer les bactéries bien plus rapidement que le savon en dissolvant leur membrane externe. L’efficacité du savon repose, elle, sur une action mécanique, en évacuant la couche de graisse sur l’épiderme avec les bactéries qui s’y trouvent. Mais des chercheurs australiens de l’université de Melbourne ont observé l’évolution inquiétante d‘Enterococcus faecium, ces vingt dernières années. Leur étude publiée sur le serveur de prépublication en biologie bioRxiv montre que cette espèce bactérienne responsable d’infections nosocomiales est devenue plus résistante à l’alcool. Pour cela, l’équipe dirigée par le Pr Tim Stinear a analysé 139 échantillons prélevés entre 1997 et 2015 en milieu hospitalier. En testant ces bactéries sur des souris, elle montre ainsi que les bactéries les plus récentes étaient dix fois plus tolérantes à l’alcool que les colonies issues de lignées plus anciennes. Des expériences qui indiquent que le génome des bactéries s’est probablement adapté, rendant leur membrane plus résistante à l’alcool.
” Il s’agit d’un travail tout à fait sérieux et crédible “, nous précise Philippe Glaser, responsable du laboratoire Écologie et évolution de la résistance aux antibiotiques de l’Institut Pasteur. Le chercheur, qui n’a pas participé à l’étude, précise avoir “sélectionné le résumé du Pr Tim Stinear pour une communication oral lors du congrès sur la résistance bactérienne que nous organisons au mois de mars à l’Institut Pasteur”. Les auteurs remarquent dans leurs travaux que si les infections dues aux staphylocoques dorés résistant à la méticilline ont fortement chuté, celles provoquées par des bactéries du genre Enterococcus ont quintuplé sur cette période.
S’échapper de la désinfection
Pour Philippe Glaser, “il faut voir que cette espèce bactérienne, Enterococcus faecium, est déjà assez résistante à des stress, ce qui explique son adaptation à l’hôpital et sa capacité à provoquer des infections nosocomiales. Elle est normalement sensible à ces traitements, mais certaines mutations peuvent diminuer cette susceptibilité et donc permettre un échappement à la désinfection. Ce travail montre que de telles souches sont sélectionnées à l’hôpital et peuvent se propager”.
L’étude suggère aussi que les SHA pourraient être mieux utilisées pour empêcher ces phénomènes adaptatifs. Il suffit en effet d’utiliser un gel contenant un peu moins d’alcool qu’un autre pour donner plus de chances à certaines de ces bactéries de survivre et leur faciliter ainsi le développement d’une tolérance. “C’était probablement naïf de penser que les “superbactéries” ne seraient pas en mesure de s’adapter aux désinfectants à base d’alcool, juge Matthew O’Sullivan, de l’université de Sydney. Quand on considère tout ce que nous avons introduit pour tenter de combattre les bactéries, on voit qu’elles trouvent toujours le moyen d’évoluer pour les contourner”, explique-t-il à nos confrères de New Scientist.
Le gel hydroalcoolique favorise l’absorption du Bisphénol A
C’est ce que l’on appelle la rançon du progrès et cela nous invite à être dubitatifs et sceptiques devant toute nouveauté liée à ce que l’on nomme le modernisme. Si le côté pratique d’un tel gel ne fait aucun doute, car permettant de se laver les mains en dehors de chez soi et sans eau, les inconvénients, voire les dangers auxquels expose cette habitude méritent d’y réfléchir avant de se laisser séduire et de s’abandonner à cette pratique. Rien que de parcourir la liste des effets néfastes donne le tournis. À bon entendeur, salut ! …
Une nouvelle étude scientifique révèle que ce désinfectant favoriserait l’absorption par la peau de bisphénol A.
Pour certains, le geste est devenu presque obsessionnel, à la limite du TOC. À peine a-t-on effleuré un objet inconnu ou une barre de métro un peu grasse que l’on sort notre petit flacon de gel hydroalcoolique pour se laver les mains en vitesse. Les accros du gel antibactérien pourraient bientôt voir cette pratique d’un autre œil après l’étude menée par les scientifiques de l’université du Missouri (États-Unis) et publiée dans la revue scientifique Plos One.
Le gel hydroalcoolique dangereux pour la santé Selon cette étude, l’utilisation régulière de ce désinfectant permettant de se laver les mains sans eau aurait des effets néfastes sur la santé. Les solutions hydroalcooliques pourraient engendrer « des irritations, des allergies, un état de somnolence ou au contraire agitation, des vertiges et des nausées, vertiges et même un état ébriété chez les enfants. » Pire encore, le gel antibactérien favoriserait l’absorption du bisphénol A dans le corps humain, un perturbateur endocrinien contenu dans de nombreux emballages. Le bisphénol A peut entraîner une baisse de la fertilité chez les hommes, un risque de fausse couche chez les femmes et dans les cas les plus graves, des cancers.
Deuxième étude alarmante sur le gel antibactérien Cette étude des chercheurs de l’université du Missouri sur les risques de ce type de produit n’est pas la première du genre. En 2013, l’association Santé Environnement France (ASEF) avait déjà alerté l’opinion sur les dangers des gels antibactériens et sur les matières qu’ils contiennent. Le triclosan et le triclocarban engendreraient une résistance bactérienne et même provoquer des dérèglements hormonaux. Rappelons que la même année, le ministère de la Santé conseillaient l’usage des gels hydroalcoolique afin de lutter contre les épidémies de grippe et de gastro-entérite.
Sources : Sciences et Avenir / 24matins / Le Libre Penseur