À quoi ressemblera votre contrat de travail si CDD et CDI disparaissent ?

a surpris son monde en évoquant le contrat de travail unique. Quels seraient ses contours ? Les salariés doivent-ils craindre une telle réforme ? Analyse. 

Une idée “intéressante”… La piste d'un contrat de travail unique, qui enverrait aux oubliettes CDI et CDD, a les faveurs de Manuel Valls. l'avait promis en 2007, avant de laisser tomber. Il revient au goût du jour depuis l'attribution du Nobel à Jean Tirole, grand partisan du “CTU”. La nouvelle star française de l'économie veut voir disparaître les deux contrats actuels: le CDI, trop protecteur, dissuade les entreprises d'embaucher, et le CDD maintient les jeunes et les moins qualifiés dans la précarité. Il rêve d'un nouveau système facile à rompre et sécurisant. 

Vous êtes embauché…

Mais comment un contrat de travail unique fonctionnera-t-il concrètement ? Un salarié pourra-t-il se faire licencier sans motif? Qui l'aidera à retrouver du travail ? Pas facile de s'y retrouver entre les travaux théoriques d'économistes et les rapides allusions des politiques. L'Express s'est plongé dans trois textes qui inspirent les défenseurs du contrat unique: le rapport des économistes Pierre Cahuc et Francis Kramarz commandé fin 2004 par le gouvernement de l'époque, les travaux de Jean Tirole et Olivier Blanchard et les préconisations de l'ex-DG du FMI, Michel Camdessus

Au pays du contrat de travail unique, tous les salariés seront embauchés en CDI. Terminée, la succession de contrats courts, y compris ceux dits “d'usage”, qui permettent d'enchaîner les CDD sans limite dans certains secteurs. Les contrats de travail ne comporteront plus de date de fin. De quoi aider les candidats à la recherche d'un logement qui, en CDD, faisaient fuir propriétaires et banquiers… 

Mais qui dit CDI ne dit pas emploi à vie. Les entreprises auront toujours besoin de missions courtes pour des besoins ponctuels ou remplacer les absents. Les économistes suggèrent donc de faciliter les licenciements. 

Vous êtes licencié…

Si Jean Tirole et Olivier Blanchard sont écoutés, le licenciement pour faute et le licenciement économique sont conservés. En cas de faute sérieuse, l'employé n'a droit à aucune indemnité et l'employeur ne supporte pas de charge financière. Pour un licenciement économique, en revanche, le salarié bénéficie d'indemnités en partie calculées selon l'ancienneté. 
L'employeur, lui, devra payer en plus une taxe sur les licenciements. Son principe est simple: plus l'entreprise licencie, plus elle paie, ce qui revient à l'introduction d'un système de “bonus malus” en matière sociale. Ce coût doit être suffisamment élevé pour prévenir tout licenciement abusif. Un jeu d'équilibriste, puisque Jean Tirole et Olivier Blanchard plaident pour un niveau de taxation mesuré, afin de ne pas freiner les embauches, les investissements ou la progression des salaires. 

Les autres économistes estiment que cette taxe doit aller de pair avec la suppression du motif économique du licenciement. Pour eux, l'employeur doit uniquement justifier d'une “cause réelle et sérieuse”. Pour Michel Camdessus, tous les motifs actuels de recours au CDD (accroissement temporaire d'activité, remplacement d'un salarié absent, etc.) constituent des “cas de motif réel et sérieux de rupture dans les premiers mois du contrat”.  

Pour tous, le droit pour le salarié de contester son licenciement devant les prud'hommes est maintenu. Suffisant ? 

D'autres garde-fous doivent éviter que l'entreprise ne se débarrasse de vous au bout de quelques mois, sans avoir à se justifier. Cahuc et Kramarz se positionnent par exemple pour une majoration de la prime de licenciement sur les 18 premiers mois de contrat, l'équivalent de la durée maximale du CDD aujourd'hui. Elle pourrait être de 10% de la rémunération brute, comme pour l'actuelle prime de précarité. Michel Camdessus propose lui aussi de relever les indemnités de licenciement. Il s'agit de fixer un minimum légal, progressif en fonction de l'ancienneté. Le salarié, en cas d'accord avec l'employeur, pourrait négocier une indemnité supérieure. Les sommes versées en surplus seraient alors fiscalisées, pour financer l'assurance chômage

Vous vous retrouvez au chômage…

En cas de licenciement hors faute grave, les salariés auront droit aux allocations chômage, en plus de leurs indemnités de départ. Là dessus rien ne change, mais la “flexi-sécurité” leur promet un accompagnement renforcé pour retrouver un emploi. Que faut-il espérer ? Les économistes Cahuc et Kramarz imaginent que “l'entreprise est dégagée de toute obligation de reclassement”. Elle paie en échange une “contribution de solidarité” qui finance le “service public de l'emploi”. Lui se charge de retrouver du travail au licencié, éventuellement via des opérateurs privés. 

Les deux chercheurs rêvent de prestations personnalisées en fonction des profils des chômeurs. Problème: leur hypothèse date de 2004, soit avant la fusion entre les Assedic et l'ANPE. Aujourd'hui, le grand service public de l'emploi existe bel et bien, mais Pôle emploi se montre incapable de résorber le chômage et d'accompagner les chômeurs. Difficile de croire qu'il pourra contrebalancer la facilité de licencier…Michel Camdessus envisage des moyens plus coercitifs pour pousser les chômeurs à retrouver du travail : un contrôle renforcé pour s'assurer qu'ils en cherchent bien et l'obligation, après plusieurs refus, d'accepter un emploi “convenable”, “pas exactement aussi bon que le précédent”. Mais cette-fois encore, “l'offre raisonnable d'emploi” est passée par là depuis, sans grand effet sur le retour à l'emploi. Quant au suivi de près des chômeurs, l'idée fait son chemin au gouvernement… 

 

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Source(s) : Parcours de la pensée / YouTube / ​L'Express Par Alexia EychenneLudwig Gallet, le 24.10.2014

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