Violences physiques et sexuelles, l’histoire choquante des employées de maison au Qatar

Dans son rapport rendu public mercredi 23 avril, Amnesty International dénonce l'absence de protection des employées de maison migrantes victimes d'exploitation, notamment de travail forcé et de violences physiques et sexuelles.

Intitulé “My sleep is my break”: Exploitation of domestic workers in Qatar, ce rapport dépeint un sombre tableau de la situation des femmes qui sont recrutées pour travailler au sur la base de fausses promesses quant à leurs salaires et à leurs conditions de travail. Elles se retrouvent à trimer de très nombreuses heures, sept jours sur sept et certaines femmes endurent des violences physiques et sexuelles épouvantables.

Le droit qatarien ne prévoit aucune limite aux heures de travail incombant aux employés de maison et aucune disposition n'impose de leur octroyer un jour de congé. En outre, ils n'ont pas la possibilité de déposer plainte auprès du ministère du Travail.

Celles qui sont victimes de violations des droits humains n'ont pas d'autre choix que de s'enfuir, ce qui leur fait courir le risque d'être arrêtées, détenues et expulsées pour « fugue ». Près de 95 % des femmes détenues au centre de refoulement de Doha en mars 2013 étaient des employées de maison.

Exposées à l'exploitation et …

Pas moins de 84 000 migrantes, principalement originaires d' du Sud et du Sud-est, travaillent comme employées de maison dans cet État du Golfe. Elles sont soumises au système restrictif de parrainage, qui les empêche de quitter leur emploi ou le pays sans autorisation de leur employeur. 

Les migrantes employées de maison sont victimes d'un système discriminatoire qui les prive des protections élémentaires et les expose à l'exploitation et aux atteintes aux droits fondamentaux, notamment au travail forcé et à la traite d'êtres humains »

Audrey Gaughran
Directrice chargée des questions internationales à Amnesty International

Nous avons parlé à des femmes qui ont été trompées et se sont retrouvées prises au piège, à la merci d'employeurs violents, avec interdiction de quitter la maison. Certaines ont raconté avoir été menacées de violences physiques lorsqu'elles ont informé leur employeur de leur désir de partir.

… victimes de violences physiques et sexuelles

Dans l'un des cas, une employée de maison a eu les deux jambes cassées et la colonne fracturée lorsqu'elle est tombée par une fenêtre alors qu'elle tentait d'échapper à son employeur qui voulait la violer. Celui-ci a ensuite continué à l'agresser sexuellement, alors qu'elle gisait au sol, blessée et incapable de bouger. Ce n'est qu'après qu'il a appelé une ambulance.
Malgré ses très graves blessures, le procureur général a classé l'affaire sans suite en raison de l'« absence de preuves » et cette femme est rentrée aux en 2013. Son employeur n'a jamais eu à rendre des comptes pour ce qu'il a fait.
Les femmes victimes de violences physiques et sexuelles sont confrontées à des obstacles majeurs pour accéder à la . Parmi les femmes qui se sont entretenues avec les chercheurs, pas une seule n'a pu voir son agresseur poursuivi ou condamné.

De plus, les femmes qui dénoncent des violences sexuelles risquent d'être accusées de « relations illicites », c'est-à-dire de relations sexuelles hors mariage, un « crime » puni d'un an de prison et d'une mesure d'expulsion. Environ 70 % des détenues de la prison pour femmes de Doha en mars 2013 étaient des employées de maison. Les autorités doivent supprimer sans délai des textes législatifs du la notion de « relations illicites ».

Des appels en faveur du changement

Amnesty International a appelé les autorités Qatariennes à supprimer de toute urgence les dispositions du Code du travail qui privent les employés de maison et d'autres travailleurs de leurs droits. L'attention internationale suscitée par la Coupe du monde de football de 2022 braque les projecteurs sur les souffrances endurées par les ouvriers du bâtiment au Qatar. Cependant, l'absence totale de protection concernant les droits des employés domestiques et leur isolement à l'intérieur des maisons de leurs employeurs les rend encore plus vulnérables aux violences.

Les promesses du gouvernement de protéger les droits des employés de maison sont jusqu'à présent restées lettre morte. Le Qatar doit garantir sans plus attendre aux employés de maison une protection juridique de leurs droits fondamentaux. »

Audrey Gaughran

Complément d'information

Le rapport d'Amnesty International se fonde sur des entretiens réalisés auprès de 52 employées de maison, avec des représentants du gouvernement, des ambassades des pays d'origine des employées de maison et des agences de recrutement. Il s'appuie aussi sur des données fournies par les institutions qui accompagnent les employées confrontées à des situations difficiles. Enfin, les chercheurs d'Amnesty International se sont rendus au centre de refoulement et à la prison de Doha.

Le gouvernement qatarien a annoncé que le cabinet d'avocats DLA Piper étudierait les conclusions d'Amnesty International dans le cadre d'un vaste examen de la situation des travailleurs migrants au Qatar. Son rapport doit être rendu public dans les semaines à venir.

Allez plus loin

Lire notre rapport « My sleep is my break »: Exploitation of domestic workers in Qatar
Disponible en anglais et en arabe

Index AI : MDE 22/004/2014
 

Lire notre rapport : « Traitez-nous comme des êtres humains » Les travailleurs migrants au Qatar

Index AI : MDE 22/011/2013 – 18 novembre 2013

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Source(s) : Amnesty International / Par Audrey Gaughran, le 23.04.2014

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