En Syrie, un village suffoque sous les attaques de chlore

La vidéo ne dure que trente-quatre secondes. Elle montre une rue, faiblement éclairée, dans laquelle on peut distinguer un nuage jaunâtre. Deux hommes courent vers une femme, dont la bouche et le nez sont couverts par un linge. Un des deux hommes, qui porte un masque à gaz, appelle à l'aide une voiture pour évacuer la femme. La voix d'un troisième homme commente lapidairement : « Une attaque au chlore. La fumée jaune. »

Cette vidéo, difficilement authentifiable, a été mise en ligne jeudi 22 mai par un utilisateur du nom de Mustapha Jamaa, qui affirme l'avoir filmée à Kafar Zita, un village tenu par la rébellion dans la province centrale de Hama. Un photographe travaillant pour Reuters est arrivé dans le village une heure après une telle attaque, et a confirmé la présence de cette fumée jaunâtre.

« L'odeur du chlore était évidente. Cela sentant le vinaigre, et l'eau de javel. J'ai commencé immédiatement à tousser et à hyperventiler. Mes yeux me brûlaient. »

Selon le photographe, « 70 personnes ont été blessées dans l'attaque ». La femme visible dans la vidéo était également parmi les personnes soignées à l'hôpital, a-t-il précisé.

BERTHOLITE

Ces nouveaux témoignages viennent s'additionner à ceux de nombreux opposants syriens, qui affirment que la petite localité est la cible répétée d'attaques au chlore par le gouvernement de Bachar Al-Assad. Selon les insurgés, il s'agirait de la sixième attaque de ce type en deux mois.

Ces bombardements prennent la forme de barils d'explosifs remplis de chlore à l'état gazeux (dichlore) d'aspect jaune-verdâtre et à l'odeur âcre, selon les opposants. Utilisée durant la première guerre mondiale sous le nom de bertholite, cette substance endommage les voies respiratoires et peut, à forte dose,provoquer la mort par asphyxie.

A l'appui de ses dires, la Coalition nationale syrienne (CNS), a produit la photo d'un cylindre en acier, portant l'inscription CI2, le symbole chimique du chlore à l'état gazeux. La CNS a demandé une enquête à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), chargée de la destruction du stock syrien.

« PARFAITEMENT LÉGAL »

Le gouvernement nie pourtant avoir recours au chlore ou à d'autres armes chimiques, et rejette toujours la responsabilité de ces attaques sur la rébellion. La  a accepté de démanteler son arsenal chimique, en vertu d'un accord négocié par les États-Unis et la  après un bombardement au gaz sarin qui a fait des centaines de morts le 21 août dernier à la périphérie de Damas. Le pays a remis plus de 92 % de son stock chimique dans le cadre de cet accord supervisé par l'OIAC mais n'a pas déclaré le chlore comme faisant partie de cet arsenal.

L'OIAC envisage d'envoyer une mission d'enquête pour vérifier les allégations d'attaques au chlore. La France dit de son côté examiner des éléments selon lesquels le gouvernement syrien aurait utilisé des armes chimiques, dont du chlore, à 14 reprises ces derniers mois. Mais contrairement au sarin, qui est un liquide, le chlore est très volatil et se fixe moins facilement sur des tissus humains ou végétaux, ce qui rend complexe la recherche de preuves.

Interrogé sur le sujet par Europe 1, le porte-parole de l'OIAC a rappelé que « le chlore est l'un des industriels les plus courants, avec de nombreux usages légitimes. »

« Les industries chimiques qui en produisent et le gouvernement qui en stocke ne sont pas tenus d'en faire part à l'OIAC : il est parfaitement légal pour le gouvernement syrien de conserver des stocks de chlore. En revanche, l'usage de chlore, ou d'autres , pour tuer ou nuire à des personnes, là il s'agit d'une violation de la convention sur les armes chimiques. »

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Source(s) : Le Monde, le 23.05.2014

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