Pesticides : les épandages aériens vont se poursuivre

Pesticides : Les petits avions qui crachent leurs cargaisons de produits phytosanitaires au-dessus de champs de maïs, de vignes ou de bananeraies ne sont pas prêts de disparaître des cieux français, en métropole comme outre-mer. Cette pratique particulièrement impopulaire chez les riverains des parcelles aspergées va continuer de bénéficier de dérogations généreuses à la règle qui interdit l'épandage aérien en France et dans l'.

Le ministre de l', en personne, avait pourtant assuré, lors d'une audition devant des sénateurs en juillet 2012, qu'il souhaitait «qu'à terme les agriculteurs n'aient plus recours à l'épandage aérien de pesticides». « A terme » peut-être, mais pas aujourd'hui, car le dernier décret sur le sujet, publié à la veille de Noël, le 23 décembre 2013, ne laisse aucunement entrevoir la fin des autorisations. A quelques minces détails près, il reprend des passages entiers des dispositions précédentes arrêtées le 31 mai 2011 qui faisaient suite à la directive européenne de 2009. Selon celle-ci, puisque l'épandage aérien « de pesticides est susceptible d'avoir des effets néfastes importants sur la humaine et l', à cause notamment de la dérive des produits pulvérisés », il convient « de l'interdire d'une manière générale » sauf « lorsqu'il n'existe pas d'autre solution viable ».

Des apiculteurs de Midi-Pyrénées aux défenseurs de l' des Antilles, la nouvelle réglementation fait l'unanimité contre elle. Plusieurs associations, dont Générations futures, réfléchissent à déposer un éventuel recours tant on est loin de l'esprit de la directive.

LÉGITIMER LA CULTURE INTENSIVE

Le texte français prévoit d'accorder une dérogation à un exploitant agricole en lutte contre les organismes nuisibles qui menacent ses champs, « lorsque cette technique d'épandage présente des avantages manifestes », notamment quand les cultures sont trop hautes, la pente trop forte, en gros quand il devient difficile d'utiliser les engins agricoles et que cela complique le travail de l'opérateur.

« Les conditions exigées sont encore moins restrictives qu'auparavant », analyse Béatrice Ibéné de l'Association pour la sauvegarde et la réhabilitation de la faune des Antilles. Vu de Guadeloupe, le décret semble taillé sur mesure pour faciliter l'exploitation des plantations de bananes. Or les petits avions distributeurs de fongicides sont particulièrement mal vus dans des îles qui pâtissent déjà de leur contamination massive au chlordécone, un insecticide qui a rendu impropre à la légumes des jardins et poissons côtiers. Qu'importe : le décret prévoit des dérogations temporaires pour une durée maximale de trois mois pour le maïs, quatre pour la vigne, cinq pour le riz et douze pour le bananier, à n'importe quel moment de l'année.

Il ne s'agit plus d'une contre-offensive ponctuelle à une menace imminente sur une récolte mais d'un feu vert devenu permanent. C'est une des raisons qu'a invoqué le tribunal administratif de Basse-Terre  pour annuler à deux reprises  les autorisations délivrées par le préfet. Par deux fois, ce dernier en a pris une autre en remplacement, tandis que son homologue faisait de même en Martinique en novembre 2013 après un jugement du même type. A Paris, le ministère de l' a fait appel de ces décisions de  à chaque fois, pour « soutenir »  son représentant mis en cause sur place.

Signalons qu'en Guadeloupe, où il n'y a plus d'épandage aérien depuis juillet 2013 (ce qui n'est pas le cas en Martinique), les producteurs enregistrent une récolte de 71 000 tonnes de bananes, du jamais vu depuis dix ans, et s'enorgueillissent d'avoir créé 200 emplois : il faut en effet davantage de bras pour se passer des avions.  

APICULTEURS CONSTERNÉS

En 2012, l'arrivée d'un nouveau gouvernement avait pourtant fait naître quelque espoir, en particulier chez les apiculteurs consternés de voir déverser des insecticides dans les airs sans qu'ils aient le temps de mettre leurs abeilles à l'abri. Ils avaient déposé une plainte devant la à Toulouse et s'étaient fortement mobilisés, comme les associations de défense de l'environnement et de la , tandis que les élus  Ecologie-Les Verts réclamaient – en vain – un moratoire sur le recours à la cyperméthrine, un pesticide neurotoxique pour les abeilles déversé sur le maïs d'Aquitaine.

Toute cette agitation leur a cependant permis d'obtenir la promesse d'une révision de la réglementation et d'une consultation publique. Celle-ci a bien eu lieu, dans le creux du mois d'août 2013, tandis que récoltants de miel et militants en profitaient pour suggérer des amendements. « Le texte n'en tient aucun compte », observe Nadine Lauverjat de l'association Générations futures. «On ne retrouve presque rien des propositions que nous avions formulées avec l'équipe de France nature environnement de Midi-Pyrénées », témoigne pour sa part Olivier Fernandez, au nom du syndicat d'apiculture de Midi-Pyrénées.

Il note deux modestes évolutions : les dérogations seront publiées le jour où elles seront accordées sur le site de la préfecture, ce qui permettra de connaître la commune et le type de traitement…à condition d'être vigilant. Avant de sortir les avions épandeurs, les agriculteurs devront en outre informer les maires non plus 48 heures à l'avance comme auparavant mais 72 heures. Et encore, des dérogations peuvent être délivrée en urgence. « On avait demandé une semaine,soupire Olivier Fernandez. De toute façon, l'alerte continue d'incomber au président du syndicat professionnel : c'est à lui de se débrouiller pour trouver et prévenir les apiculteurs concernés par le prochain épandage parmi les 600 à 1 000 que compte son département. »

Rien ne change non plus pour la protection des riverains : l'opérateur est censé respecter comme précédemment une distance de sécurité de 50 mètres vis-à-vis des habitations, des , des parcs, des points de captage d'eau, des rivières… Contacté par Le Monde, le ministère de l'agriculture souligne qu'il a ajouté à la liste les « lieux accueillant du public» et les «groupes de personnes vulnérables » et indique que le nombre d'épandages aériens autorisés en 2013 sera communiqué d'ici trois semaines.

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Source: Le Monde (par Martine Valo) / Relayé par

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